Débat sur l’immigration : lettre ouverte des associations aux parlementaires
Débat sur l’immigration : lettre ouverte des associations
Mesdames, Messieurs les député·e·s,
Mesdames, Messieurs les sénateurs·rices
Mesdames, Messieurs les sénateurs·rices
A la veille du débat annoncé au Parlement sur
l’immigration, les associations de solidarité et les collectifs
citoyens s’inquiètent de la multiplication des contrevérités et
postures démagogiques dans l’espace public, loin des réalités
vécues par les personnes réfugiées ou exilées et des associations
qui les accompagnent au quotidien. Pour certains, la France serait «
trop généreuse » et « attractive » dans ses procédures
d’accueil : la réalité est pourtant tout autre.
Le droit d’asile est aujourd’hui malmené par
une nette dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement
des demandeur·euse·s d’asile du fait d’un sous dimensionnement
chronique du parc d’hébergement (CADA et HUDA) pourtant dédié à
ce public. Le ministère de l’intérieur chargé de cette politique
admet lui-même qu’un·e demandeur·euse·s d’asile sur deux,
soit près de 100 000 personnes, n’accède pas à un hébergement
et à un accompagnement dans le dispositif national d’accueil faute
de place disponible. A cette situation déjà dramatique, s’ajoute
le durcissement des conditions d’entrée dans l’hébergement des
personnes sans-abri dénoncé par certaines associations signataires
: instruction de l’État demandant aux associations de trier les
personnes et familles sans-abri en fonction de leur statut
administratif, circulaire demandant au 115 de ficher les
demandeur·euse·s d’asile et les réfugié·e·s hébergé·e·s
en vue d’une transmission au ministère de l’intérieur sans se
soucier du consentement des personnes...
Cette politique de durcissement de l’accueil,
qui viole le principe légal d’accueil inconditionnel dans
l’hébergement d’urgence n’a eu pour seul résultat que
l’augmentation inquiétante du nombre de sans-abri – souvent des
familles avec enfants – et la multiplication des campements
indignes et des squats dans les métropoles (2600 personnes à Paris,
2000 personnes à Nantes et son agglomération, 2000 personnes à
Toulouse, 1500 personnes à Bordeaux, 400 personnes à Rennes…).
Parmi ces personnes se trouvent de nombreuses femmes, seules ou avec
enfants, qui ont toutes été exposées à des violences ou à
l’exploitation, notamment sexuelle, dans leur parcours migratoire.
La précarisation des étrangers touche également les ménages qui
obtiennent l’asile : 15 à 20 % des personnes présentes dans les
campements parisiens sont des réfugiés statutaires. Devant cette
crise humanitaire, 13 maires de grandes villes de toutes sensibilités
politiques ont écrit aux ministres de l’intérieur et du logement
le 24 avril dernier pour alerter sur cette situation et demander une
intervention d’urgence de l’État. Pour ces élus, « Nous ne
pouvons accepter plus longtemps cette situation indigne de nos
valeurs et de la tradition humaniste de notre pays ». Une démarche
restée sans réponse à ce jour, comme les nombreuses alertes
associatives adressées au gouvernement depuis plusieurs mois.
Comme si l’extrême précarité liée à
l’errance ne suffisait pas, l’OFII a décidé sans concertation
avec le secteur associatif et en plein mois de juillet, d’interdire
le retrait au distributeur de l’allocation ADA (6,80 euros par jour
pour une personne seule), seule ressource disponible pour les
demandeur·euse·s d’asile qui ne sont pas autorisé·e·s à
travailler. Les ménages concernés, soit environ 151 000 personnes,
seront donc sommés à partir du 5 novembre prochain de faire leur
course avec une carte de paiement sans monnaie, à charge aux
associations de trouver des solutions pour compenser ces difficultés
nouvelles. Et on peut redouter une diminution de l’ADA pour
certaines catégories de demandeur·euse·s d’asile qui
augmenterait mécaniquement l’intensité de la pauvreté de cette
population dont les conditions de vie sont déjà très précaires.
L’accès aux soins est également remis en cause
par la menace d’une restriction de l’accès des étrangers
précaires à l’Aide Médicale d’État (AME) et à la CMU-C et la
réduction du panier de soins. Après l’accueil inconditionnel dans
l’hébergement, c’est donc le droit de toute personne malade
présente sur le territoire à être soignée, l’un des piliers de
notre protection sociale, qui est attaqué en utilisant parfois les
arguments les plus démagogiques (l’abus de soins esthétiques
évidement non couverts par l’AME). Les associations ainsi que de
nombreux·ses professionnel·le·s du soin ont largement alerté sur
les dangers de ces remises en cause pour la santé des plus précaires
et les impacts majeurs en termes de santé publique pour l’ensemble
de la population.
Face au débat qui s’engage, nous souhaitons
rappeler que l’accueil et la solidarité envers les étrangers sont
une réalité à laquelle contribuent de très nombreux citoyens,
toutes classes sociales confondues, dans les villes comme dans les
zones rurales, et que leur engagement est exemplaire et sauve
l’honneur de la République. Nous rappelons que la France bénéficie
largement de l’arrivée des personnes étrangères, notamment pour
répondre aux besoins de main-d’œuvre non pourvus, qui se
chiffrent par dizaines de milliers, pour les entreprises qui peinent
à recruter.
Nous demandons aux parlementaires de s’emparer
de ces réalités de terrain pour formuler des propositions qui
garantissent le respect des droits fondamentaux de toutes les
personnes en situation de précarité présentes sur le territoire
national. Cela suppose des mesures volontaristes de création de
places d’hébergement de qualité et de production de logements
accessibles sur l’ensemble du territoire afin que personne ne soit
contraint de vivre à la rue et que les pouvoirs publics puissent
enfin engager, aux côtés des associations, un programme de
résorption des campements indignes qui font honte à la République.
Nous demandons également que la représentation
nationale réaffirme le principe d’accès inconditionnel aux soins
des populations précaires, sans distinction de nationalité ou de
situation administrative.
Nous proposons également que soit débattue la
possibilité d’accorder un titre de séjour aux personnes et aux
familles présentes dans l’hébergement parfois depuis des années,
afin de leur permettre l’accès à l’emploi et au logement. Une
telle mesure permettrait de répondre avec pragmatisme à la
situation de ces personnes et familles qui ne sont pas « expulsables
» mais que l’on maintient dans une précarité indigne humainement
et coûteuse pour le pays, au lieu de leur donner les moyens de
s’intégrer par le travail. Il en va de même pour les personnes,
en particulier les femmes, victimes de violences ou de la traite
humaine en France ou pendant leur parcours d’exil.
Nous soutenons enfin la nécessité d’une
politique d’intégration plus ambitieuse, qui généralise l’accès
aux cours de français pour les primo-arrivants, ouvre le droit au
travail des demandeur·euse·s d’asile et accélère l’accès au
logement des personnes à la rue, en particulier les réfugié·e·s.
L’examen de ces propositions permettrait de
sortir par le haut d’un débat aujourd’hui mal engagé, dans le
respect des droits fondamentaux et des besoins élémentaires des
personnes et des familles que les associations et les collectifs
citoyens accompagnent au quotidien.
Nous vous prions d’agréer l’expression de
notre considération la plus distinguée.
Fédération des acteurs de la solidarité
Fondation Abbé Pierre
Fondation Armée du Salut
France Terre d’Asile
La Cimade
Emmaüs Solidarité
Emmaüs France
Collectif les morts de la rue
Uniopss
Médecins du Monde
Secours Catholique-Caritas France
Association des Cités du Secours Catholique
Le Refuge
Samusocial de Paris
Ligue des droits de l’Homme
Fédération Santé Habitat
SOLIHA
Advocacy France
Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs
Fédération Entraide Protestante
Association DALO
Centre d’Action Sociale Protestant
UNHAJ
FAPIL
UNAFO
Fondation Abbé Pierre
Fondation Armée du Salut
France Terre d’Asile
La Cimade
Emmaüs Solidarité
Emmaüs France
Collectif les morts de la rue
Uniopss
Médecins du Monde
Secours Catholique-Caritas France
Association des Cités du Secours Catholique
Le Refuge
Samusocial de Paris
Ligue des droits de l’Homme
Fédération Santé Habitat
SOLIHA
Advocacy France
Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs
Fédération Entraide Protestante
Association DALO
Centre d’Action Sociale Protestant
UNHAJ
FAPIL
UNAFO