3 questions à Nicolas Bonnier, membre du Collectif Jamais Sans Toit à Lyon
Jamais Sans Toit est un collectif constitué en 2014 dans le but de coordonner les actions des écoles en lutte pour faire appliquer le droit à l'hébergement des élèves et de leurs familles. Interview de Nicolas Bonnier, membre du Collectif Jamais sans toit et parent d'élève de l’école Victor Hugo, Lyon 1.
Fédération des acteurs de la solidarité) : Pourriez-vous revenir sur la situation que vivent ces enfants et familles actuellement à Lyon ?
Nicolas Bonnier : Alors même que l'on célèbre le 30ème anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant, nombreux.ses sont ceux.lles qui, scolarisé.e.s dans nos écoles en maternelle, en élémentaire et dans le secondaire dorment chaque soir dans la rue. Outre le danger vital immédiat qu'ils.elles encourent, la violence de cette situation les prive de facto de leurs droits fondamentaux : droit à un niveau de vie décent, à la sécurité, à la santé, à l'hygiène ainsi qu'à l'éducation. Angoisse, extrême fatigue, problèmes de santé sont les signes récurrents que nous observons chez eux. elles. En ce début décembre, Jamais Sans Toit dénombre 169 enfants sans toit au sein de la Métropole lyonnaise, et ce chiffre est bien en deçà de la réalité puisque l’an dernier, la Préfecture du Rhône communiquait le chiffre de 700 enfants SDF, hors mineurs isolé.e.s. Un chiffre important mais une goutte d'eau au regard des milliers de logements vides et chauffés au sein de la Métropole.
Cette situation n'est donc pas une fatalité mais bien le résultat de choix politiques allant à l'encontre de la loi et de l'article 345 2-2 du Code de l'action sociale et des familles : "Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence."
: Qu’avez-vous dû mettre en place dans l’urgence pour les protéger ?
Nicolas Bonnier : Lorsque des parents d’élèves, des enseignant.e.s et membres de la communauté scolaire découvrent ces situations d'urgence absolue, des actions de solidarité se mettent en place. Des collectes, de l'accompagnement administratif et humain sont organisés pour aider ces familles qui sont pourtant connues des services compétents de la préfecture. Mais cela ne suffit pas. Alors, devant l'absence de réponse des pouvoirs publics, pour protéger ces enfants du froid et de la violence de la rue, nous avons décidé d'occuper nos écoles pour les accueillir avec leurs familles. A ce jour sur la métropole, onze écoles sont occupées pour héberger une cinquantaine d'enfants. Ces occupations et les actions qui les accompagnent poursuivent un objectif double. Offrir un abri immédiat aux personnes en danger et mettre en lumière ces situations pour obliger la préfecture à appliquer la loi. Jamais Sans Toit apporte à chaque collectif indépendant son expérience, et permet de collectiviser ressources et moyens pour une action la plus efficace possible.
: Que demanderiez-vous aux pouvoirs publiques pour que cette situation évolue ?
Nicolas Bonnier : Nous demandons simplement aux pouvoirs publics d'appliquer la loi. Les demandeurs.euses d'asile doivent être hébergé. C'est la loi. Son application ne peut être laissée à discrétion de la préfecture. De même, nous rappelons que l'hébergement d'urgence est un droit inconditionnel pour toute personne en situation de détresse et ce, quelle que soit sa situation administrative. C'est la loi. Ce droit ne peut être appliqué selon des critères de sélection iniques, comme c'est le cas depuis plusieurs années dans le Rhône, qui met en place des critères de sélection pour héberger les personnes : enfant de moins de un an, femmes enceintes de plus de 6 mois...). Nous dénonçons le manque de moyens globaux mais aussi le manque de préparation récurrent du dispositif hivernal dont les places, toujours insuffisantes, s'ouvrent chaque année au compte goutte entre novembre et janvier.
Nous dénonçons aussi le manque de réflexion globale des politiques de l'hébergement. Gestion au thermomètre, remise à la rue sans solution au déni de l'obligation de continuité de l'hébergement, absence d'accompagnement des familles etc. Cette gestion incohérente empêche toute perspective d'insertion durable des familles et les maintient dans la misère la plus insupportable. Le Rhône est l'un des départements les plus riches d'un des pays le plus riche du monde : la France. Il n'est pas entendable que le manque de moyens mais surtout, de volonté politique, puissent justifier que des enfants soient livrés à la rue dans l'indifférence des pouvoirs publics.