la Cour européenne des droits de l'Homme admet l'obligation faite à des élèves de suivre des cours de natation malgré l'opposition des parents pour raisons religieuses

La Cour européenne des droits de l'Homme vient de rendre un arrêt important suite à la requête d'une famille de Bâle qui refusait que ses filles suivent un cours de natation du fait de leurs convictions religieuses. 
La Cour ne cherche pas à faire des Etats membres un espace judiciaire unique et leur laisse une ample marge d'appréciation. Elle admet les divergences dans les rapports entre religions et Etats et ne vise qu'au respect de grands principes dans lesquels tous les Etats pourraient se reconnaître au-delà de leurs traditions.
Elle ne se reconnaîtra pas dans le principe de laïcité (la Grèce et le Royaume Uni ne sont pas des Etats laïques!!!) mais l'arrêt ci-dessous ne répond-t-il pas à nos préoccupations m^me s'il ne se réfère pas explicitement au principe de laïcité?

Nous espérons y revenir mais quelle serait la régression si comme le prévoient (ou le font craindre) certains candidats à la présidence de la République, la France devait se retirer de ce système supranational certes imparfait (mais qu'est-ce qui est parfait dans ce bas monde?) mais protecteur des droits fondamentaux !!!

COMMUNIQUE DU GREFFIER DE LA COUR 
Les autorités suisses, en refusant d’exempter deux élèves de confession musulmane des cours de natation mixtes obligatoires, ont fait prévaloir l’obligation pour les enfants de suivre intégralement leur scolarité et n’ont pas violé le droit à la liberté de religion
Dans son arrêt de chambre1, rendu ce jour dans l’affaire Osmanoǧlu et Kocabaş c. Suisse (requête no 29086/12), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : Non-violation de l’article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l’homme L’affaire concerne le refus de parents de confession musulmane d’envoyer leurs filles, n’ayant pas atteint l’âge de la puberté, à des cours de natation mixtes obligatoires dans le cadre de leur scolarité, ainsi que le refus des autorités compétentes de leur accorder une dispense. La Cour juge que le droit des requérants de manifester leur religion est en jeu et constate que le refus des autorités d’accorder une dispense relative aux cours de natation s’analyse en une ingérence dans le droit des intéressés à leur liberté de religion ; ingérence qui était prévue par la loi et qui poursuivait un but légitime (la protection des élèves étrangers contre tout phénomène d’exclusion sociale). La Cour souligne cependant la place particulière que l’école occupe dans le processus d’intégration sociale, et plus particulièrement pour les enfants d’origine étrangère, précisant d’une part que l’intérêt des enfants à une scolarisation complète, permettant une intégration sociale réussie selon les mœurs et coutumes locales, prime sur le souhait des parents de voir leurs filles exemptées des cours de natation mixtes, et d’autre part, que l’intérêt de l’enseignement de la natation ne se limite pas à apprendre à nager, mais réside surtout dans le fait de pratiquer cette activité en commun avec tous les autres élèves, en dehors de toute exception tirée de l’origine des enfants ou des convictions religieuses ou philosophiques de leurs parents. La Cour constate également que des aménagements significatifs ont été offerts aux requérants afin de réduire l’impact litigieux de la participation des enfants aux cours de natation mixtes sur les convictions religieuses de leurs parents, notamment la possibilité de porter le burkini. Elle relève également que la procédure suivie en l’espèce était accessible et susceptible de permettre un examen du bien-fondé de la demande de dispense. La Cour juge donc qu’en faisant primer l’obligation pour les enfants de suivre intégralement la scolarité et la réussite de leur intégration sur l’intérêt privé des requérants de voir leurs filles dispensées des cours de natation mixtes pour des raisons religieuses, les autorités internes n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation considérable dont elles jouissaient dans la présente affaire, qui porte sur l’instruction obligatoire.
1 Conformément aux dispositions des articles 43  et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet. Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution. Des renseignements supplémentaires sur le processus d’exécution sont consultables à l’adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution.
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Principaux faits Les requérants, Aziz Osmanoğlu et Sehabat Kocabaş, sont deux ressortissants suisses, possédant également la nationalité turque. Ils sont nés respectivement en 1976 et en 1978, et résident à Bâle (Suisse). M. Osmanoğlu et Mme Kocabaş refusèrent d’envoyer leurs filles, nées en 1999 et 2001, à  des cours de natation obligatoires dans le cadre de leur scolarité, au motif que leur croyance leur interdisait de laisser leurs enfants participer à des cours de natation mixtes. Ils furent avertis par le département de l’instruction publique du canton de Bâle-Ville qu’ils encouraient une amende maximale de 1 000 francs suisses (CHF) chacun si leurs filles ne respectaient pas cette obligation, ces dernières n’ayant pas atteint l’âge de la puberté pour pouvoir bénéficier de la dispense prévue par la législation. En dépit des tentatives de médiation de la part de l’école, les filles de M. Osmanoğlu et Mme Kocabaş continuèrent à ne pas se rendre aux cours de natation. En conséquence, en juillet 2010, les autorités scolaires infligèrent à M. Osmanoğlu et Mme Kocabaş une amende de 350 CHF par parent et par enfant (environ 1 292 euros (EUR) au total) pour manquement à leurs responsabilités parentales. Les intéressés firent un recours devant la cour d’appel du canton de Bâle-Ville qui fut rejeté en mai 2011. Leur pourvoi devant le Tribunal fédéral fut également rejeté en mars 2012, la juridiction estimant que le droit des intéressés à la liberté de conscience et de croyance n’avait pas été violé.
Griefs, procédure et composition de la Cour Invoquant l’article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), M. Osmanoğlu et Mme Kocabaş alléguaient que l’obligation d’envoyer leurs filles aux cours de natation mixtes était contraire à leurs convictions religieuses. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 23 avril 2012. L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de : Luis López Guerra (Espagne), président, Helena Jäderblom (Suède), Helen Keller (Suisse), Branko Lubarda (Serbie), Pere Pastor Vilanova (Andorre), Alena Poláčková (Slovaquie), Georgios A. Serghides (Chypre),
ainsi que de Stephen Phillips, greffier de section.
Décision de la Cour Article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) La Cour constate que l’on se trouve en l’espèce dans une situation où le droit des requérants de manifester leur religion est en jeu. Elle relève en outre que le refus des autorités d’exempter les filles des requérants de participer aux cours de natation mixtes obligatoires est une ingérence dans le droit des intéressés à leur liberté de religion ; cette ingérence étant prévue par la loi et visant à protéger les élèves étrangers contre tout phénomène d’exclusion sociale. Elle rappelle aussi que les États jouissent d’une marge d’appréciation considérable concernant les questions relatives aux rapports entre l’État et les religions et à la signification à donner à la religion dans la société, et ce d’autant plus lorsque ces questions se posent dans le domaine de l’éducation et de l’instruction
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publique ; en s’abstenant de poursuivre tout but d’endoctrinement, les États sont néanmoins libres d’aménager leurs programmes selon leurs besoins et traditions. Concernant la mise en balance des intérêts en jeu, la Cour constate que l’école occupe une place particulière dans le processus d’intégration sociale, place d’autant plus décisive s’agissant d’enfants d’origine étrangère ; qu’eu égard à l’importance de l’enseignement obligatoire pour le développement des enfants, l’octroi de dispenses pour certains cours ne se justifie que de manière très exceptionnelle, dans des conditions bien définies et dans le respect de l’égalité de traitement de tous les groupes religieux ; que le fait que les autorités compétentes autorisent l’exemption de cours de natation pour des raisons médicales montre que leur approche n’est pas d’une rigidité excessive. Ainsi, l’intérêt des enfants à une scolarisation complète, permettant une intégration sociale réussie selon les mœurs et coutumes locales, prime sur le souhait des parents de voir leurs filles exemptées des cours de natation mixtes. L’enseignement du sport, dont la natation fait partie intégrante dans l’école des filles des requérants, revêt une importance singulière pour le développement et la santé des enfants. L’intérêt de cet enseignement ne se limite pas pour les enfants à apprendre à nager et à exercer une activité physique, mais il réside surtout dans le fait de pratiquer cette activité en commun avec tous les autres élèves, en dehors de toute exception tirée de l’origine des enfants ou des convictions religieuses ou philosophiques de leurs parents. Par ailleurs, les autorités ont offert des aménagements significatifs aux requérants : leurs filles ayant notamment eu la possibilité de couvrir leurs corps pendant les cours de natation en revêtant un burkini et de se dévêtir hors de la présence des garçons. Ces mesures d’accompagnement étaient à même de réduire l’impact litigieux de la participation des enfants aux cours de natation mixtes sur les convictions religieuses de leurs parents. Un autre facteur à prendre en considération est la gravité de la sanction infligée aux requérants. Les amendes (1 400 CHF au total) que les autorités ont infligées aux requérants, après les avoir dûment avertis, sont proportionnées à l’objectif poursuivi, à savoir s’assurer que les parents envoient bien leurs enfants aux cours obligatoires, et ce avant tout dans leur propre intérêt, celui d’une socialisation et d’une intégration réussies des enfants. S’agissant de la procédure suivie en l’espèce, les autorités ont publié une directive sur le traitement à réserver aux questions religieuses à l’école, dans laquelle les requérants ont pu trouver les informations pertinentes ; l’autorité compétente les a avertis de l’amende qu’ils encouraient ; à la suite d’un entretien avec la direction de l’école et deux lettres adressées aux requérants, l’autorité compétente a infligé les amendes qui étaient prévues par le droit interne et que les intéressés ont pu contester devant la cour d’appel du canton de Bâle-Ville, puis devant le Tribunal fédéral. À l’issue de procédures équitables et contradictoires, ces deux juridictions, dans le cadre de décisions dûment motivées, sont arrivées à la conclusion que l’intérêt public consistant à suivre de manière intégrale le programme scolaire obligatoire devait prévaloir sur l’intérêt privé des requérants d’obtenir pour leurs filles une dispense des cours de natation mixtes. Les requérants ont donc eu à leur disposition une procédure accessible et susceptible de leur permettre de faire examiner le bien-fondé de leur demande de dispense au regard de l’article 9 de la Convention. Par conséquent, la Cour estime que, en faisant primer l’obligation pour les enfants de suivre intégralement la scolarité et la réussite de leur intégration sur l’intérêt privé des requérants de voir leurs filles dispensées des cours de natation mixtes pour des raisons religieuses, les autorités internes n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation considérable dont elles jouissaient dans la présente affaire, qui porte sur l’instruction obligatoire. La Cour juge donc qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention.

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