l’évolution de la politique familiale depuis 2014

Politique familiale

Le CNAFAL a participé, mardi 12 octobre 2021, à une audition parlementaire où il lui était demandé un retour sur l’évolution de la politique familiale depuis 2014. Nous avons naturellement répondu à cette invitation.

Or, pour être en mesure d’apporter un regard sur l’évolution de la politique familiale, il convenait tout d’abord de s’interroger sur l’effet recherché par la politique familiale. Est-ce une politique qui a pour but de stimuler la natalité ? de réduire les coûts ? ou alors est-ce un outil de cohésion, voire même de justice sociale ?

En fonction de l’angle selon lequel on l’analyse, la réponse ne serait pas nécessairement la même.

Si le CNAFAL n’est pas nataliste et est pour le libre choix assumé des couples à avoir ou non un enfant, il est particulièrement attaché à la Sécurité Sociale en entier, donc à sa sauvegarde. Cette structure qui ne peut être pérenne sans que l’équilibre à long terme de la branche retraite ne soit abordée, tout comme la question de la natalité, entre nécessairement dans le cadre de la réflexion à avoir.

Alors puisque nous étions interrogés sur cette question de la natalité, très objectivement d’un point de vue nataliste, avec une natalité en berne, incapable d’assurer le renouvellement des générations, on ne saurait dire que cette politique soit un franc succès.

D’un point de vue purement budgétaire, plus que de réduction des coûts je préférerais parler de « non dépenses ». Le bilan n’est pas vraiment très brillant : avec une moindre revalorisation des allocations par rapport à l’inflation, avec des milliers de places de crèches non réalisées et plus de 2 Milliards d’euros non dépensés, c’est indéniablement une non dépense budgétaire, … Mais à quel prix ? Ne s’agit-il pas d’une victoire à la Pyrrhus ? En effet, pour le CNAFAL, il s’agit d’économies à courte vue puisque l’argent dépensé dans la famille n’est pas une charge, mais bien au contraire un investissement.

Le CNAFAL se plait à souligner que lensemble des prestations familiales sont « dépensées » et « consommées » sur place, dans l’économie locale et donc ainsi profitent à tous !

Or, de l’aspect purement budgétaire, la politique familiale doit selon nous obéir à des objectifs de justice sociale. Et même si l’on n’est pas convaincu par ce rôle, nul ne peut nier qu’elle est un outil indispensable à la cohésion sociale. Les exemples sont nombreux, mais l’expérience des crèches est flagrante puisque l’on sait qu’en accueillant un enfant à la crèche, on éduque non seulement l’enfant, mais aussi sa famille. Ce rôle est tout particulièrement important pour les enfants dont les parents sont dans les situations les plus précaires ou bien sont d’origine étrangère.

Il faut néanmoins être prudent et ne pas tout rejeter en bloc : il y a eu, pour nous, de bonnes initiatives. Ainsi, la hausse du « complément libre choix de mode de garde » pour les familles monoparentales était à saluer, ainsi que la modulation des allocations familiales selon le revenu du foyer.

Même si le bilan de cette réforme est ambivalent, des points forts apparaissent comme des acquis auxquels le CNAFAL a souscrit. Pour nous, la modulation du montant des allocations familiales en fonction des ressources a représenté un véritable tournant de la politique familiale ! Tournant porteur d’un message politique fort puisqu’auparavant la non corrélation des allocations familiales avantageait les familles nombreuses issues des hauts revenus.

Cette modulation nous apparaissait donc comme un outil pertinent de justice sociale, les montants non versés devant ainsi être redistribués aux familles des classes populaires ou moyennes. Hélas, nous avons vu que ça n’a pas été exactement le cas. Contrairement à beaucoup d’autres mouvements familiaux, le CNAFAL ne rejette pas l’idée, loin de là, mais en critique l’exécution. Par décence, nous ne mentionnerons même pas la question des APL qui est un sujet connexe, mais ô combien lourd de conséquence.

Malheureusement, ces mesures ne suffisent à faire oublier que, depuis 2014, les politiques familiales ont tendance, malgré quelques mesures de saupoudrage catégoriel, à produire une stagnation des revenus sociaux des couches moyennes basses de la population qui sont justement celles qui devraient bénéficier le plus d’une aide ambitieuse.

Nous avons également été interrogés sur la question de l’allongement du congé paternité. Le CNAFAL est, depuis très longtemps, favorable au congé de paternité et donc bien évidemment favorable à son allongement. Objectivement, le sujet fait largement consensus.

Pour aller plus loin, nous sommes surtout favorables à une évolution des congés parentaux sur le modèle suédois qui permettrait à tous, homme ou femme, de prendre pleinement sa place auprès de son enfant. Or, ce modèle suppose aussi une véritable indemnisation et on ne peut guère parler du congé paternité et du modèle suédois sans aborder la « Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ». Sur ce sujet, force est de constater que le compte n’y est pas et que les montants de cette prestation sont grossièrement insuffisants.

Interrogés sur la question de la crise sanitaire et des mesures de soutien aux familles, nous avons expliqué qu’il était bien difficile, pour l’instant, de mesurer l’impact des mesures prises durant la crise sanitaire : elles avaient le mérite d’exister. Mais on voit également bien à la lumière tant des dernières études que de notre présence de fond sur le terrain et sans verser dans le misérabilisme, que la précarité est endémique pour beaucoup de familles !

Il y a sur le terrain une véritable peur du basculement, du déclassement et peut-être pouvons-nous y voir l’une des causes de certains mouvements sociaux qu’a connu notre pays. Bref, il ne faut pas grand-chose pour qu’une famille bascule dans la pauvreté. L’augmentation du prix du gazole, de l’énergie, une facture non mensualisée ou un prélèvement rejeté, cela se traduit par des difficultés importantes pour honorer son loyer.

A cet égard, le nombre d’expulsions locatives prononcées ces derniers mois dans les organismes HLM est préoccupant, car elles touchent en grande majorité des familles précaires qui vivent la plupart du temps d’allocations sociales. Or, l’offre de logements d’urgence après expulsion est malheureusement extrêmement limitée. De plus, le confinement a amené une disparition des points d’accueil physique et il nous apparaît indispensable de souligner qu’une partie non négligeable de la population souffre d’illectronisme… voire d’illettrisme.

Dans ce contexte, plus que les aides aux familles, c’est bien souvent les proches, les amis, les familles qui ont joué le rôle d’amortisseur social qu’aurait dû jouer l’État.

Interrogés sur l’intermédiation financière du versement des pensions, nous avons rappelé que le CNAFAL est bien évidemment extrêmement favorable à l’intermédiation financière du versement des pensions alimentaires. Il considère également que les sanctions à l’égard du parent défaillant devraient être renforcées et une publicité sur les devoirs du père, comme de la mère, devraient être effectuée à chaque naissance.

De même, les devoirs des parents à l’égard des enfants, la protection de l’enfance, les organismes de soutien devraient faire l’objet d’une information annuelle à partir des classes de seconde ; il nous parait pertinent de rappeler les droits et devoirs de chacun !

Le CNAFAL rappelle que l’on estime que 30 à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées. Devant de tels chiffres, nous sommes amenés à penser que la contrainte judiciaire (anciennement contrainte par corps) pour le parent défaillant devrait être possible en cas de récidive. N’oublions jamais que la pension alimentaire ne profite qu’aux enfants !

Pour ce qui est du bilan, il faut bien reconnaître que l’on manque quelque peu de recul pour déjà tirer des conclusions de cette intermédiation.

Le CNAFAL est pour l’octroi d’une véritable allocation familiale dès le premier enfant : l’intérêt d’une telle mesure faciliterait la garde d’enfant, la recherche d’un emploi ou d’une formation qualifiante pour les femmes sans emploi et pour certaines, une sortie progressive de la misère.

De plus, un effort important devrait être envisagé sur les femmes ayant un revenu inférieur à 1500 euros, ainsi que sur les classes moyennes et populaires.

La lecture de l’étude de l’INSEE « https://www.insee.fr/fr/statistiques/4982628 » nous semble particulièrement éclairante.

Pour le CNAFAL, il ne saurait y avoir de véritable politique familiale sans moyens et, quels que soient les objectifs recherchés – natalité, cohésion ou justice sociale – ceux-ci ne peuvent se faire sans un engagement massif des pouvoirs publics pour permettre à la branche de dépenser l’argent qui est légitimement le sien.

On ne saurait parler de politique sociale et faire l’économie d’une injection massive de moyens sur les ménages des classes moyennes et populaires.

Le CNAFAL