Les atteintes aux droits des enfants
Introduction
Ce thème nous amène à ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans notre pays au niveau du respect des droits des enfants.
C’est un texte capital parce qu’il fait de l'enfant un sujet de droit.
Cette convention pose le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants.
Elle définit des valeurs fondamentales valables dans le monde entier sur la façon de se comporter envers les enfants, au-delà des différences sociales, culturelles, ethniques ou religieuses.
C’est le 1° texte juridiquement contraignant : il impose des obligations aux 195 états qui l’ ont ratifié, dont la France.
Il y a 32 ans, la France ratifiait donc la convention internationale des droits de l’enfant ( CIDE ) , le 20 novembre 1989
Mon propos aujourd’hui est
de dresser un état des lieux non exhaustif des violences faites aux enfants , violences intrafamiliales et violences institutionnelles ,
de rappeler les recommandations des différentes instances : Comité des droits de l’enfant de l’Onu, Défenseur des droits…
De préciser les exigences des associations, dont la LDH
I – Atteintes aux droits de l’enfant dans le cadre intrafamilial
Les violences éducatives ordinaires
Les violences éducatives ordinaires sont l’ensemble des pratiques coercitives ou punitives, tolérées, voire recommandées pour « bien éduquer les enfants ».
Les violences faites aux enfants sous couvert d’éducation et exercées dans le cadre de l’autorité parentale sont enfin reconnues et interdites explicitement par la loi du 10 juillet 2019, comme des violations des droits de l’enfant et des atteintes à sa dignité et à son intégrité physique et mentale.
40 ans après la Suède, la France devient le 56ème pays à interdire les violences physiques ou psychologiques faites aux enfants et toutes formes de violences éducatives, y compris dans la famille : l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. (Article 371-1 du code civil).
A noter cependant que :
Elle n’a pas bénéficié de campagne de sensibilisation ou d’accompagnement, hormis la lecture de l’article 371-1 du code civil aux futurs époux lors de la cérémonie de mariage et une information sur le « syndrome du bébé secoué » dans le nouveau carnet de santé.
Les violences éducatives ordinaires ne sont pas à sous-estimer. Comme pour les violences faites aux femmes, c’ une suite de mauvais traitements et de négligences qui constitue une forme de maltraitance , pouvant amener aux sévices et au meurtre.
En France le bilan de l'enfance maltraitée est terrible.
Un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours. 1
C’est un phénomène constant de 2012 à 2020, avec 72 morts d’enfants en moyenne par an.
Plus de la moitié des enfants ont moins d’un an. Ce sont aussi bien des filles que des garçons. Les études distinguent les néonaticides (meurtre du nouveau-né dans les premières 24H) de l’infanticide (meurtre d’un bébé de moins d’un an).
La moyenne de 72 morts semble très sous- estimée, car le recensement ne reflète qu’une partie du phénomène. Il ne prend pas en compte les néonaticides non révélés et les SBS non diagnostiqués.
La plupart des enfants sont victimes de leurs parents
Pour donner des éléments chiffrés sur l’ampleur de cette violence dans le cadre familial :
14 % des Français déclarent avoir été victimes de maltraitances physiques, sexuelles ou psychologiques au cours de leur enfance.
45 % des Français suspectent au moins un cas de maltraitance dans leur environnement immédiat (familles, voisins, collègues ou amis proches).
2 millions de Français, soit 3 % de la population, déclarent avoir été victimes d'inceste.
Le recensement de ces violences contre les enfants est très difficile car les données sont limitées.
Un récent rapport ( mai 2018 ) de plusieurs IG donne des éléments : Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles :
« Dans bon nombre de situations, la maltraitance aurait pu être détectée si l’on avait rapproché plusieurs signaux d’alerte visibles pour en faire la synthèse. C’est ce constat qui conduit à l’impérative nécessité de mieux organiser l’échange des informations au sein de chaque service médico-social, de l’éducation nationale, de la police ou de la justice et entre ces services. »
Globalement, Il y a peu d’éléments sur les causes des décès des enfants, leur typologie, les profils des auteurs, leur environnement, leur suivi…
- Il est établi que 64 % des familles n’étaient pas suivies par l’ASE, ni par aucun service social.
- Il apparaît une grande disparité selon les départements : les plus forts taux d’homicides sont recensés dans des départements plutôt ruraux comme la Meuse, la Nièvre, la Creuse, la Haute-Loire et la Haute-Saône. L’explication peut être un faible maillage des services sociaux.
En revanche, 23 départements n’ont enregistré aucun cas de 2012 à 2018, vraisemblablement du fait d’une politique publique plus volontariste.
Quelles priorités politiques et sociales pour agir contre les violences faites aux enfants ?
Si on se réfère aux articles de la CIDE :
Article 1er :
« Un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans... »
Article 19 :
« Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle... »
Article 6 :
« Les Etats parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie. Les Etats parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. »
Article 3 :
« Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. »
Pour une véritable politique de prévention de la maltraitance des enfants, la LDH demande :
des campagnes nationales pour lutter contre les habitudes éducatives punitives ;
un renforcement des moyens des services sociaux pour accompagner les parents en difficulté ;
une meilleure coopération entre les services médico-sociaux, éducatifs, policiers et judiciaires.
Dans bon nombre de situations la maltraitance aurait pu être détectée :l un meilleur repérage des signaux d’alerte et leur prise en compte par des services compétents ;
II – Atteintes aux droits de l’enfant dans le cadre institutionnel
Enfermement des enfants en Centre de rétention Administrative
Au
mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant, un nombre élevé
de familles avec enfants et de mineurs non accompagnés sont enfermés
en Centre de rétention administrative.
En 2019, 3 380 enfants ont été enfermés dans les centres de rétention administrative, leur nombre ayant plus que doublé par rapport à 2018 (1 429).
À Mayotte, 3 101 enfants ont subi le traumatisme contre 1221 en 2018
Dans les CRA de l’Hexagone, 136 familles ont été enfermées, accompagnées de 279 enfants, ce qui représente une hausse de 34 % par rapport à 2018 (208 enfants).
Ces pratiques constituent non seulement une atteinte au respect de la vie familiale, mais aussi un traitement inhumain et dégradant selon les critères de la CEDH, ayant conduit à six condamnations de la France.
Les effets dramatiques de cet enfermement sont ignorés par les préfectures, malgré les recommandations du défenseur des Droits.
Action des associations en 2018 et 2019
une mobilisation sans précédent de citoyens, d’associations et de parlementaires pour demander au gouvernement de mettre un terme à ces atteintes disproportionnées aux droits fondamentaux de ces enfants et de leurs parents (une pétition a recueilli 170000 signatures).
le gouvernement avait décidé de confier à un groupe parlementaire de la majorité le soin de déposer une proposition de loi sur ce sujet, celle-ci n’a toujours pas abouti
Les mineurs non accompagnés
En 2019, 264 personnes ont déclaré à nos associations qu’elles étaient mineures mais que l’administration les considérait comme majeures.
À elle seule, la préfecture du Pas-de-Calais est à l’origine de 25 % de ces enfermements de mineurs.
Un grand nombre d’entre eux a affirmé que la date de naissance leur conférant la majorité leur avait été attribuée arbitrairement par les services de police ou par l’interprète
La façon dont l’âge de ces personnes est déterminé en amont ou pendant la rétention ne permet pas de les protéger, leur majorité étant notamment établie par l’administration sur la base de tests osseux dont la fiabilité est contestée
Certains d’entre eux ont été placés dans les zones d’attente des aéroports et dans d’autres locaux de rétention administrative, parfois avec des adultes. Certains de ces enfants ont été renvoyés dans leur pays d’origine avant même d’avoir parlé à un administrateur ad hoc.
. Comme en 2018, 60 % de ces jeunes ont été libérés par des juges, ce qui démontre le caractère abusif des pratiques administratives.
Si on se réfère aux articles de la CIDE :
Article 1er :
« Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être
humain âgé de moins de dix-huit ans... »
Article 37 :
« Les Etats parties veillent à ce que :
Nul enfant ne soit soumis à la torture (...).
Nul enfant ne soit privé de liberté... »
Pour cela la LDH demande :
D’interdire toute privation de liberté pour les mineurs ;
D’adopter les mesures nécessaires pour éviter le placement d’enfants en rétention dans les zones d’attente et de respecter obligations de non-refoulement.
L’Aide sociale à l’enfance : une prise en charge à minima 2
Aujourd’hui en France, la protection de l’enfance se caractérise par un délitement des moyens et des situations de plus en plus dégradées :
Allongement des listes d’attente pour des prises en charge qui ont été décidées par des juges,
Manque de structures d’accueil pour les situations à risques
Manque de reconnaissance des services de prévention qui sont en voie de disparition
De manière générale, un manque de moyens pour protéger les enfants.
Pour répondre à la situation d’urgence des jeunes majeur.e.s , qu’ils ou elles soient issu.e.s de l’Aide Sociale à l’Enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse , une proposition de loi prévoyait d’obliger les départements à poursuivre la prise en charge des jeunes devenus majeurs, jusqu’à 21 ans.
Finalement :
Le texte voté, n’impose aucunement aux départements de poursuivre leur prise en charge.
Il organise un dispositif parallèle nommé contrat d’accès à l’autonomie, qui bénéficiera d’un financement de l’Etat.
Mais ce contrat ne sera possible que pour les jeunes placés avant l’âge de 16 ans et qui auront cumulé dix-huit mois de placement avant leur majorité. Or 44 % des jeunes sont placés après 16 ans ( 31% ne sont pas des mineurs étrangers non accompagnés et 69% sont des MNA.)
Quand on sait que :
70 % des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance n’ont aucun diplôme,
15,8 % de ces jeunes ne sont plus scolarisés à 16 ans,
Une personne sans domicile fixe sur quatre de 18 à 25 ans vient de la protection de l’enfance
On peut penser que La rue va rester pour longtemps encore la dernière issue d’un grand nombre de jeunes qui ont été confiés à l’ASE !
L’accès à l’école toujours difficile pour les enfants en situation de grande précarité
L’accès à l’école en France n’est pas un droit effectif pour de nombreux enfants, ainsi qu’en témoignent les refus d’inscription ou les tracasseries administratives envers les enfants d’origine étrangère ou en grande précarité sociale.
Le décret no 2020-811 du 29 juin 2020 devrait permettre de faciliter les scolarisations . Il précise les pièces à fournir pour l’inscription :
Un document justifiant de l’identité de l’enfant; Un document justifiant de l’identité des personnes responsables de l’enfant; Un document justifiant de leur domicile.
L’expulsion imminente, l’occupation illégale d’un lieu ou encore la situation administrative des parents sur le territoire ne peuvent en aucun cas justifier un refus de scolarisation.
Cependant les recours au DDD se poursuivent
Selon les estimations de la Défenseure des enfants, la France compte plus de 100.000 enfants non scolarisés, qui vivent dans des bidonvilles, des hôtels sociaux ou font partie de la communauté des gens du voyage.
Les dispositifs d’accueil des enfants allophones sont en nombre très insuffisants et les délais d’attente d’évaluation, puis d’affectation peuvent courir sur toute une année scolaire.
Une atteinte majeure aux droits de l’enfant : la grande pauvreté
En France, actuellement , 20 % des enfants vivent dans la pauvreté.
Un grand nombre d’enfants sont sans abris, vivent dans des squats, des bidonvilles, des hébergements d’urgence.
Les enfants en situation de grande pauvreté ne sont souvent pas disponibles aux apprentissages scolaires du fait de la précarité de leurs conditions de vie : vivre à cinq dans une chambre d’hôtel, ne pas avoir de coin tranquille pour travailler, avoir des soucis pour s’habiller, se chausser, ne pas toujours avoir trois repas jour, pas d’accès à une pratique culturelle...
Article 1er :
« Un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans... »
article 27 :
« Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social. »
article 6 :
« Les Etats parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. »
Pour la reconnaissance des droits fondamentaux de toutes et tous
et l’égale dignité, la LDH demande à la France :
D’agir pour que les familles en situation de grande vulnérabilité soient aidées et accompagnées ;
De se conformer aux observations finales du Comité des droits de l’enfant de 2016 qui recommande de faire de l’éradication de la grande pauvreté des enfants une priorité nationale ;
De respecter ses obligations internationales en ce qui concerne les expulsions forcées et d’intégrer les enfants roms et leur famille ;
De veiller à ce que la situation économique ne constitue pas une discrimination, ni une atteinte à l’accès et à l’exercice des droits fondamentaux .
Conclusion
Question de vocabulaire :
Convention : c'est un texte qui oblige les États qui l'on ratifié à l'appliquer. C'est donc un texte contraignant à la différence d'une Déclaration qui marque un engagement moral.
La CIDE est le premier texte obligatoire qui reconnaît des droits à l'enfant.
La CIDE repose sur quatre principes fondamentaux sans lesquels aucun des droits qui y sont présents ne peuvent être respectés:
la non – discrimination : aucune distinction de race, de religion, de langue, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents, de leur origine sociale, etc...c'est l'article 2
l'intérêt supérieur de l'enfant : doit être le premier souci de l'État article 3
la survie et le développement : tout enfant doit être dans des conditions qui lui permettent de vivre et de s'épanouir c'est l'article 6
la participation des enfants à toutes les décisions qui les concernent c'est l'article 12
Enfant : rappel de l'article 1 de la Convention: « un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »
1 Rapport IGAS-IGJ- IGAENR- Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles – mai 2018
2 LA PROTECTION DE L’ENFANCE- Une politique inadaptée au temps de l’enfant Rapport de la cour des comptes
Novembre 2020