Les femmes résistent et luttent face aux menaces qui pèsent sur leur droit à l’avortement avec la FIDH


A l’occasion de la journée mondiale pour l’accès à l’avortement légal et sûr, la FIDH et la Corporación Humanas publient un article sur la lutte des femmes pour la reconnaissance de leur droit légitime à l’avortement et les défis auxquels elles font face.
Il existe encore 26 États dans le monde interdisant totalement l’avortement, et qui considèrent même le fait d’avorter comme un crime passible de prison. Ainsi, plus d’un pays sur dix ne tolère légalement aucune exception, même lorsqu’il s’agit de sauver la vie d’une femme.
Plus largement, 124 pays dans le monde conservent des lois rétrogrades, dont le spectre va de l’introduction de restrictions qui entravent l’autonomie et la liberté de choix des femmes à l’interdiction totale.
Sans surprise, les pays aux législations les plus arriérées sont aussi ceux où les femmes souffrent de toutes sortes de privations de leurs droits, de discriminations et de violences. Les 10 pays au monde il est le plus difficile d’être une femme, possèdent tous des législations draconiennes en matière d’avortement.
Ce sont par ailleurs dans les pays où l’avortement légal et sûr est le moins accessible que la situation générale des droits et des libertés fondamentales est catastrophique, la corruption endémique, et l’État de droit en berne. Parmi ceux-ci, citons entre autres la République démocratique du Congo, l’Égypte, le Salvador et le Honduras. Autant d’États gouvernés par des régimes autoritaires, interdisant ou limitant très fortement le recours à l’avortement, notamment sous la pression d’un fondamentalisme religieux de plus en plus problématique à travers le monde.
De plus, le droit à l’avortement est de nouveau attaqué et menacé dans de nombreux pays. Les discours anti-avortement de certains dirigeants ont donné du grain à moudre aux mouvements conservateurs, et ont accompagné des régressions en Russie, en Pologne et aux États-Unis par exemple. Certaines mesures anti-choix ont persisté ou effectué un surprenant retour. Comme lorsque Donald Trump a réhabilité la Global Gag Rule en 2017, ce décret interdisant le financement d’organisations internationales fournissant des services d’avortement légal et sûr. Toujours aux États-Unis, l’état de l’Iowa cherche désormais à faire passer une loi, la Heartbeat law, qui rendrait quasiment impossible les avortements.
Néanmoins, les choses bougent, et plutôt dans le bon sens. Entre 2000 et 2018, 29 pays ont changé leur législation sur l’avortement et tous, à une exception près, ont adopté des lois nationales plus progressistes. Certains ont supprimé toute restriction et légalisé l’avortement sur demande. D’autres ont élargi la base juridique permettant l’intervention en incluant de nouveaux critères (risques pour la santé de la femme, raisons socio-économiques). Seul le Nicaragua a fait un pas en arrière en interdisant en 2006 l’avortement thérapeutique.
De même, il est clair que face à ces nouveaux réactionnaires se dressent et continueront de se dresser des milliers de femmes déterminées à faire reconnaître et protéger leur droit fondamental à l’avortement. On a vu comment, en Amérique latine, la mobilisation des femmes argentines a permis que le Congrès national soit sur le point de dépénaliser l’avortement dans les 14 premières semaines de grossesse. Si la réforme a in fine été rejetée par les Sénateurs (63 % des votes contre ont été émis par des hommes), les femmes ont réussi à faire accepter, au niveau social, la nécessité de la légalisation totale de l’avortement. Ce mouvement a également été un tremplin et a permis de générer des débats législatifs et sociaux importants sur la question de la dépénalisation de l’avortement au Pérou et en Bolivie. Au Chili, l’approbation en 2017 d’une loi autorisant l’avortement dans certaines circonstances après 20 années d’interdiction totale a également été une première victoire. Pareillement, au cours des années précédentes, la légalisation totale de l’avortement a été gagnée en Uruguay, en 2012, et à Mexico (District fédéral) en 2007.
Il est clair que les femmes ne cesseront de lutter et dénoncer les conséquences graves qu’ont les lois restrictives pour elles (et pour l’ensemble des sociétés) en ce qu’elles approfondissent les inégalités sociales et entre les sexes. Et dans la mesure où les femmes se mobilisent massivement et demandent des réformes législatives destinées à protéger les droits de la moitié de la population, les décideurs seront bien obligés de répondre à ces demandes citoyennes. Mais ceci exige aussi que les sociétés dans leur entier s’impliquent dans ce combat, femmes et hommes, et le renforcement des institutions démocratiques et de l’État de droit.